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Certains auteurs donnent 1625 comme date de la fondation du Dahomey. D'autres comme A. Le Hérissé, veulent ne faire remonter cet événement qu'au règne du prince Ouagbadja, qui se place entre 1650 et 1680 et sous lequel serait apparu, d'après eux, pour la première fois le nom de Dahomey ou de Dan-homé.
Le nom de Dahomey signifierait «-ventre de Dah », selon une légende; on raconte, en effet, qu'au XVIIIe siècle un général qui assiégeait la ville de Canna fit voeu de sacrifier son roi Dah, s'il prenait la ville; après sa victoire il exécuta son voeu en massacrant le souverain et plaçant dans son ventre ouvert la première pierre de son palais. Selon d'autres auteurs le pays devrait plutôt s'appeler Dan-homé ou « ventre du serpent », et ce nom se rapporterait à la légende d'un serpent sacré, dont le culte était célébré à Ouidah.
La carte intitulée Guinea de Joannes Janssonius, éditée à Amsterdam en 1627, porte le pays et le ville de Dauma au Nord d'Arder (Ardra) et à l'Est de la Volta, c'est-à-dire là où se trouve le Dahomey que nous connaissons; de plus, Léon l'Africain, qui vivait entre 1491 et 1540 et qui voyagea au Soudan vers 1507, mentionne également un royaume de Dauma qu'il situe assurément bien à l'Est du Dahomey, mais qui devait très probablement être le même que le Dauma de Janssonius.
Quoi qu'il en soit, le royaume que désignèrent sous ce nom les Européens, fut bien constitué au XVIIe siècle à l'intérieur des terres, autour de la ville d'Allada ou Ardra qui lui donna d'abord son nom et est restée la cité sainte; située sur un plateau assez sain, au croisement de plusieurs routes, c'était alors une cité commerçante où quelques Européens vinrent établir des comptoirs. Elle avait, dit-on, 15 kilomètres de circonférence. En 1724, quand les Dahoméens s'emparèrent de la route maritime, ils massacrèrent les habitants et détruisirent la ville dont les ruines furent bientôt recouvertes par la forêt.
Au XVIIIe siècle, les Dahoméens reportèrent leur capitale plus au centre du royaume, à Abomey ; en 1725, ils s'ouvrirent un débouché vers le littoral en conquérant le royaume d'Ajuda avec sa capitale Savi (ou Xavier) et son port principal, Fida (ou Ouidah). Cette dernière ville devint un centre important pour le commerce des esclaves; appelée par les Dahoméens Gléhoué, par les PortugaisAjuda, elle exportait environ 18 000 esclaves et comptait à l'époque de sa plus grande prospérité 35000 habitants: des comptoirs et des forts portugais, anglais et français s'y étaient établis. L'empire de Dahomey était alors le plus puissant de la Côte des Esclaves et dominait le territoire des Evhé, l'Eouémé de la Volta à l'Oguun, entre les royaumes des Achanti et des Fanti à l'Ouest, des Nagos et des Egbas (ou Yorouba) à l'Est.
A partir de la fin du XVIIIe siècle la suppression de la traite a beaucoup appauvri le Dahomey, démembré aussi à plusieurs reprises. A l'Ouest les Anlo et les Krepi se sont détachés en États indépendants, de forme républicaine ou monarchique, sous l'influence des Européens (le pays de Togo, protectorat allemand; les postes de Agoué, Grand-Pope, français à la fin du XIXe sècle, et la confédération presque républicaine des villes du bassin de l'Agomé qui entrèrent dans la zone d'action de la France); à l'Est le royaume de Porto-Novo appartenait alors encore à un prince dahoméen, mais il était sous le protectorat français; les petits royaumes de Pokra, Okéadan et Addo, celui des Egbas avec sa capitale Abeokouta sur l'Ogoun entrèrent dans la zone d'action des colonies anglaises de Badagry et de Lagos. Au Nord, les Mahis avec leur capitale, Savalou, avaient conquis une demi-indépendance.
Aspects culturels
Le sang, les morts et les puissance du monde-autre.
Le culte des morts était soumis à la hiérarchie: si le mort était pauvre, on le jetait dans la brousse en pâture aux fauves; s'il était riche, on lui rendait de grands honneurs; sa fosse était creusée sous son lit mortuaire et, dans un passé reculé, on égorgeait un enfant sur sa tombe pour apaiser Liba, le gardien des morts. Les obsèques des rois étaient accompagnées de massacres. On immolait sur leur tombe des hommes et des femmes destinés à leur servir de serviteurs et d'épouses dans le monde-autre. D'ailleurs, les Dahoméens ne craignaient pas la mort; ils croyaient si complètement à l'immortalité de l'âme qu'ils considéraient la mort comme le passage à une vie plus réelle et éternelle. Pour s'entretenir avec ses ancêtres le roi tuait jadis de sa main un homme que la famille était très honorée de voir choisir comme ambassadeur du roi. A intervalles réguliers des rituels de moindre ampleur comportaient également de tels sacrifices. Le but étant en quelque sorte de renouveler le "personnel" des anciens souverains. Les gens immolés sur les tombeaux étaient munis d'une bouteille de tafia et de cauris pour les frais du voyage. Les religions du Sang et des Serpents (Vodou) au Dahomey. Outre cette religion du sang, pratiquée surtout dans la région d'Abomey, il existait le long de la côte des Esclaves (spécialement du Dahomey et au Togo) une autre religion qui, avec ses innombrables prêtres, a également fortement impressionné les anciens voyageurs, qui l'on d'abord appelée la religion des serpents. Il s'agissait en réalité plutôt d'un culte local du serpent - un python sacré de trois mètres, qui avait ses prêtresses à Ouidah, et auquel se rattachait une mythologie complexe -, dont il existait bien d'autres aspects, tels que la sacralisation des arbres (que les étrangers n'avaient pas le droit de couper), et surtout la vénération de nombreuses puissances.
A l'intérieur des maisons on mêlait le culte à tous les actes de la vie; à l'extérieur on rencontrait à chaque coin de rue dans les villes, sous chaque arbre dans les campagnes, de petites bornes couvertes de poteries et d'offrandes : l'huile de palme et les gâteaux de maïs y étaient incessamment renouvelés. On craignait de s'adresser au « Seigneur des esprits » qui était un trop grand dieu; mais on adorait l'âme des ancêtres et les forces de la nature, les génies secondaires. Tantôt le patron des villes était un serpent (le dangbé), comme à Ouidah , qui représentait la bienveillance et le bonheur, tantôt un chien, un singe, un caïman; sur les bords de la mer, on adorait le dieu des vagues. Les Dahoméens adoraient les âmes des grands; ils adoraient leur propre âme non pas « quand elle descend dans le ventre » mais « lorsqu'elle monte dans la tête et remue des idées ». Chaque objet avait son âme qui était un puissance; la croix chrétienne était un une puissance respectée; de même les canons, les fusils.
Ces puissances étaient appelées vodoun, d'où dérive le nom de Vodou ou Vaudou sous lequel on connaît aujourd'hui cette religion. Elle a été depuis les côtes du Dahomey en Amérique et y a été adaptée de diverses manières par les esclaves victimes de la traite. En Haïti comme au Brésil, elle est restée d'autant plus ancrée qu'elle est vécue par les segments les plus pauvres de la population comme un outil d'expression identitaire.
Le roi et les Amazones.
Dans l'ancien royaume du Dahomey, c'est le roi qui représente essentiellement le gouvernement; mais il se fait aider de quelques dignitaires : le mingan, sorte de premier ministre; deux méo, ministres secondaires, et de nombreux cabécères qui ont une, deux, trois ou quatre queues de cheval d'après leur importance. Le roi se fait représenter à Ouidah par le yevoghan et par l'agor. D'ailleurs, ces différents personnages n'ont pas d'autorité propre : ce sont de véritables esclaves du roi. Une des principales caractéristiques du régime du Dahomey est son despotisme qui y règne, comparable à celui des Ashanti; le roi et les grands ont soigneusement appuyé leur pouvoir sur des cérémonies religieuses. Le roi « lion d'Abomey e siècle, mais auparavant, il prenait ses repas en secret, étant censé ne boire ni manger comme les simples mortels; de même il écoutait les suppliques derrière un rideau qui le dérobait à la vue de ses sujets. Ajoutons que, selon la tradition il régnait dans les broussailles un roi fantôme au nom duquel avaient lieu la levée des impôts et les vexations de toutes sortes : tout ce dont on pouvait se plaindre était attribué à ce roi fictif, et tout ce dont il fallait se réjouir les largesses et les bienfaits était attribué au roi réel. », « cousin du Léopard » est considéré comme un dieu; son pouvoir est illimité, il dispose de la vie et des biens de ses sujets; il hérite des morts. La coutume avait disparu au XIX
Le roi possède une armée de femmes que la reine (dada) commande avec droit de vie et de mort; les fils de la reine sont seuls princes royaux, les fils des autres femmes sont pages et on choisit dans leur nombre les cabécères à qui il est interdit de révéler leur origine. Dans le harem la gardienne du brasier où le roi allume sa pipe, et la favorite qui tient le crachoir sont des dignitaires du royaume. Les autres épouses sont des esclaves qui s'occupent du ménage et de la cuisine. En outre, quelques centaines de femmes installées dans le palais composent la garde royale : ce sont des amazones vierges gardées par des eunuques. Elles déclarent se consacrer au métier d'homme et de soldat. Leur costume est assez élégant: c'est une tunique de plusieurs couleurs, sur laquelle se jouent des animaux fabuleux, en broderie, et un pantalon vert ou rouge assez court. Leurs formes presque masculines, leur courage, leur cruauté en font d'excellents soldats. Elles exécutent avec une infatigable précision des danses de guerre. La garde du roi se compose en outre de 2 000 guerriers armés de fusils à pierre; en cas de guerre, il peut lever un maximum de 12 à 13 000 hommes.
Le gouvernement se préoccupe uniquement d'entretenir la cour et de faire la guerre; mais ces dépenses dépassent de beaucoup les revenus régulièrement perçus par imposition. Aussi se procure-t-on des ressources comme on peut, en dépouillant de temps à autre les maisons riches, en arrêtant dans les rues les marchandises; à Ouidah , les habitants qui ont acheté des étoffes dans les factoreries apostent des gens de confiance pour savoir si les gens du roi ne les guettent pas et ne vont pas les dépouiller dans le trajet de retour à la maison : toute tentative de résistance est un crime. Le résultat des vexations exercées contre les riches est une profonde misère dont personne ne cherche à sortir. Au printemps, le roi emmène à la guerre la population valide qui pourrait récolter l'huile de palme. On laisse volontairement le pays sans routes ni canaux pour le fermer aux Européens.
Le Dahomey face aux puissances européennes
Plusieurs puissances européennes ont eu depuis le XVIIe siècle des rapports suivis avec le royaume du Dahomey. Les Portugais e siècle, des relations commerciales avec le Dahomey. En 1670, le souverain d'Allada avait envoyé à y ont fait longtemps le commerce des esclaves et ont exercé une espèce de protectorat non reconnu jusqu'en 1886 où ils y ont renoncé. L'Angleterre y avait établi des comptoirs et des postes qu'elle possédait encore en 1900; en 1877, elle avait aussi manifesté quelques velléités de s'emparer du Dahomey : elle avait fait le blocus de la côte et envoyé une canonnière (la Nelly commandée par Dumarescq, administrateur de Lagos) jusqu'à Dogba, sur le Whemi. Quant à la France, elle avait eu, dès la fin du XVIILouis XIVe siècle les établissements français avaient été ruinés et ce n'est qu'au cours du XIXe que les relations reprirent; en 1844, les maisons Régis et Fabre furent autorisées par le roi Ghézo, grand-père du roi Béhanzin, à s'installer à Ouidahun ambassadeur. Mais dans le cours du XVIII . En 1858, le roi Glé-Glé, fils de Ghézo, fit bon accueil au lieutenant de vaisseau Vallon (par la suite contre-amiral et député du Sénégal). En 1863, un fils de Glé-Glé, Dassi, devenu roi de Porto-Novo sous le nom de Toffa, conclut alliance avec la France et mit Porto-Novo sous le protectorat de la France. La ville, d'abord occupée, fut abandonnée, mais réoccupée en 1883. Le roi Glé-Glé avait entre temps cédé à la France par des traités, en 1868 et 1878, la ville de Cotonou (Kotonou), sous certaines conditions ; les Français s'installèrent alors à Cotonou, à Godomé et à Abomey-Kalavi malgré les réclamations du Portugal.
Le forcing français.
Les Allemands établis à Togo s'efforcèrent en 1889 de supplanter les Français près du roi de Dahomey à qui ils envoyèrent des cadeaux par le Dr Wolf qui se rendit de Petit-Popo à Abomey. A la fin de 1889, la France se trouvait ainsi en rivalité avec l'Allemagne et l'Angleterre et en conflit avec le roi Glé-Glé qui faisait subir à ses commerçants de Ouidahet de Cotonou des vexations qui décidèrent le gouvernement français à agir. Pour mettre fin à cet état de choses et rendre la situation plus nette, il envoya en ambassade au roi de Dahomey le Dr Bayol, lieutenant-gouverneur des Rivières du Sud (ancien nom de la Guinée-Conakry), dont dépendront jusqu'en 1890 les possession française de la Côte des Esclaves. Celui-ci, arrivé à Cotonou, envoya son bâton à Glé-Glé comme signe de ses pouvoirs : le roi lui fit dire de venir à Abomey. Bayol se mit en route avec son secrétaire Angot, mais arrivé à Abomey il fut reçu fort mal par le prince Kondo, fils de Glé-Glé (alors malade) : le Dr Bayol fut retenu pendant trente-six jours presque en captivité; on l'obligea à assister à des sacrifices humains; (on le força même, dit-on, à signer un traité de renonciation à Cotonou, traité qu'il aurait brûlé plus tard). Bayol parvint enfin à quitter Abomey, le prince craignant la vengeance de la France : le roi Glé-Glé mourut deux jours après et le prince Kondo devint le roi Béhanzin.
Cependant le roi Béhanzin renonçant à reprendre Cotonou se tournait contre son frère Toffa, roi de Porto-Novo, déclarant que c'était à lui et non à la France qu'il en voulait : le résident français à Porto-Novo, Ballot, demanda alors des renforts. Le 26 mars, la canonnière l'Emeraude quitta Cotonou pour gagner Porto-Novo et en passant soumit, aux combats de Dangbo et Dogba (28 mars), le Decamey dont le roi autrefois allié de Toffa s'était uni contre lui avec le roi de Dahomey. Le 29 mars, la canonnière remonte le Whemi jusqu'à Danou, bombarde le village d'Azaouisse, puis Donkoli et Gléhoué et rentre à Porto-Novo et Cotonou. En avril, le Dr Bayol est rappelé en France. Ballot est nommé gouverneur civil de Porto-Novo et l'amiral de Cuverville commandant la division navale de l'Atlantique, chargé à bord de la Naïade de la direction de l'expédition. En attendant l'arrivée de Cuverville, le lieutenant de vaisseau Fournier à bord du Sané, est chargé de l'intérim. Six vaisseaux de ligne, le Sané, le Kerguélen, l'Ardent, la Mésange, le Roland, la Naïade, gardent la côte du golfe de Benin mise en état de blocus entre le Togo et Lagos; Ouidah reçoit quelques bombes.
De nouveaux renforts arrivent et les Français comptent en tout huit cent quatre-vingt-quinze hommes. Le 18 avril le commandant Terrillon à bord de l'Emeraude se rend avec trois cent soixante-quinze hommes à Porto-Novo qu'il met en état de défense, puis il atteint les troupes dahoméennes à Atioupa, et livre le plus important et le dernier combat de cette campagne. Un massacre : quinze cents Dahoméens sont tués ou blessés et les Français n'ont que huit hommes tués et cinquante-trois blessés. Les Dahoméens se mettent en retraite, mais la saison des pluies arrive, les troupes sont malades des fièvres, et pendant mai, juin, juillet les hostilités ne peuvent reprendre (l'amiral de Cuverville était arrivé en mai et le lieutenant-colonel Klippfel avait remplacé le commandant TerrilIon). Le 5 août, des renforts français arrivent à Porto-Novo par Lagos (la passe de Cotonou étant obstruée) et Klippfel propose de remonter le Whemi, d'établir un fort à Faniré et de marcher sur Abomey . Ces projets seront arrêtés par les négociations.
Les commerçants capturés à Ouidah au début des hostilités avaient été d'abord maltraités; puis, emmenés dans l'intérieur jusqu'à Abomey, ils furent mieux traités et enfin le 30 avril reçus par le roi Béhanzin dans son camp à Kana-Gomé; le roi leur expliqua qu'il n'en voulait qu'à son frère Toffa et à Bayol qui l'avait méchamment trompé; il dit qu'il voulait bien laisser toute liberté aux Européens à Cotonou et Ouidah, mais sans céder ces villes; enfin il les remit en liberté avec des lettres pour « son ami Ballot » (annonçant le retour des captifs en échange des cabécères noirs pris en otage par les Français à Cotonou) et pour « son ami Carnot ». Les otages se hâtèrent de rejoindre Ouidahoù on fut très surpris de leur retour, car on les considérait comme perdus. Ces dispositions pacifiques de Béhanzin facilitèrent la paix. Ballot envoya d'abord à Abomey un certain Bernard Durand, interprète de la résidence; mais Béhanzin qui était parti en guerre contre les Egbas à Abeokouta, garda l'ambassadeur dans une demi-captivité et ne lui accorda rien. Ballot expédia alors Siciliano, agent de la maison Régis, mais sans succès.
Enfin l'amiral de Cuverville chargea le 5 août 1890 le père Dorgère de négocier la paix. Celui-ci réussit et l'on signa le traité de Ouidahdu 3 octobre 1890, signé pour la France par d'Ambrières et le P. Dorgère, et pour le Dahomey par Candido Rodriguez et Allexandre |
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